Élevage

Dans le cadre de l'examen de la proposition de loi contre la maltraitance animale, le sénateur Fabien Gay dénonce le refus de traiter la question de l'élevage intensif

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Fabien Gay Sénateur (93) PCF
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Communication officielle

Élevage intensif Institutionnalisation de la condition animale Nationale

M. Fabien Gay. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, les questions du rapport de l’homme à l’animal et du bien-être de ce dernier sont de plus en plus prégnantes. Mieux informés sur les conditions de vie des animaux et les traitements qui leur sont infligés, les Françaises et les Français s’indignent, car ils aiment les animaux, et ils ont raison !

D’après Victor Hugo, « l’enfer n’existe pas pour les animaux, ils y sont déjà ». En réalité, nous ne sommes pas encore parvenus à la question du bien-être animal. Nous n’en sommes qu’aux problématiques que pose la souffrance que nous infligeons aux animaux. Or, entre l’absence de souffrance et le bien-être, il y a tout un espace à conquérir.

La majorité gouvernementale, qui a bien compris que le sujet avait pris une certaine importance dans notre société, nous soumet donc ce texte, via une proposition de loi présentée par son groupe parlementaire et votée en janvier dernier à l’Assemblée nationale, après avoir esquissé quelques pistes dans la loi Égalim 1.

La proposition de loi initiale apportait des améliorations concernant le traitement des animaux domestiques. Ainsi, il interdisait les delphinariums et les spectacles d’animaux sauvages, ainsi que les élevages de visons.

Nous ne pouvons qu’approuver ces améliorations, mais nous déplorons aussi quelques reculs et les dérogations décidées ici, en commission, même si je dois avouer que, sur certains volets, le texte a tout de même été enrichi, notamment du fait du travail de Mme la rapporteure.

Comme souvent, on ne peut que regretter la timidité et le manque d’ambition des apports sénatoriaux, la lenteur avec laquelle ceux-ci seraient mis en œuvre, avec des délais parfois incompréhensibles, comme s’il fallait tester sans cesse, tâter le terrain, sans jamais faire le pari de l’audace, qui mène pourtant aux vraies avancées sociétales.

Car, oui, il s’agit bel et bien d’une question sociétale, je dirais même sociale : la souffrance infligée aux animaux est le miroir de la violence qui traverse notre société.

Cette proposition de loi s’approche du seuil, mais ne le franchit pas. Ainsi, ses promoteurs ne se préoccupent que des animaux domestiques et de certains animaux sauvages. C’est déjà quelque chose, me répondra-t-on, mais, alors même que l’intitulé original, là aussi modifié par la commission – j’y reviendrai au cours des débats –, évoquait la lutte contre « la maltraitance animale », avec cet emploi du singulier qui suppose le général, toute une catégorie d’animaux en est absente, rayée du champ de vision. Je pense aux animaux d’élevage, par exemple.

Pourquoi ? Je crois qu’il y a à cela plusieurs raisons.

Tout d’abord, personne n’aime repenser aux affres de la cruauté humaine, et l’on a tout fait pour que celle-ci demeure bien éloignée et cachée.

Ensuite, la majorité gouvernementale, obéissant en cela à son approche gestionnaire et utilitariste, pense par secteurs et par catégories. Cela simplifie sans nul doute le travail intellectuel ou sert une vision peut-être déroutée par la complexité du monde, mais cela conduit aussi aux raccourcis, aux amalgames et à une déconnexion de plus en plus marquée par rapport au pays.

Surtout, une démarche différente conduirait à diviser un processus que la majorité gouvernementale semble apprécier et décliner, celui qui sépare les « premiers de cordée » de ceux « qui ne sont rien », les Françaises et les Français qui travaillent de ceux qui touchent des allocations pour acheter des écrans plats.

À présent, voilà que cette majorité divise les espèces animales ! C’est logique, me direz-vous, mais, en divisant, on hiérarchise, et certaines catégories deviennent plus importantes que d’autres.

Pourtant, les animaux victimes de l’élevage intensif, au-delà de leur situation, subissent aussi des actes de cruauté. Certains animaux mériteraient donc qu’on les protège de la maltraitance, et d’autres non ? En réalité, c’est la question du modèle de l’élevage intensif, soigneusement dissimulée pour que nous ne nous offusquions pas de ce système inhumain, qui se pose.

Comment en sommes-nous arrivés à considérer que des êtres vivants et sensibles, capables de ressentir la douleur physique comme la souffrance psychique, ne méritaient pas un traitement digne ?

Comment avons-nous pu organiser et systématiser de tels traitements, au nom du marché et du profit, en oubliant la nécessité de garantir une alimentation saine et durable à nos concitoyens, le bien-être à nos animaux, ainsi qu’aux personnes qui travaillent auprès d’eux, notamment les salariés des abattoirs, qui subissent la violence des cadences infernales et la déshumanisation de leur travail ?

Au fond, le débat éthique sur la maltraitance animale devrait nous faire réfléchir à notre définition de l’espèce humaine, car ce problème nous touche bien plus largement et interroge notre modèle de civilisation, de production et de consommation. Cette problématique concerne également l’avenir de notre planète et de la biodiversité, sans laquelle nous ne pouvons vivre.

Elle interroge enfin notre rapport à nous-mêmes et aux autres. Au Ve siècle avant notre ère, Pythagore affirmait déjà : « Aussi longtemps que les hommes massacreront des animaux, ils s’entretueront. En effet, celui qui sème les graines du meurtre et de la souffrance ne peut pas récolter la joie et l’amour ». En somme, nous avons l’arrogance de ceux qui s’attribuent une forme de supériorité, mais pas le sens des responsabilités qui devrait l’accompagner.

Avec ce débat, nous faisons face à un défi, celui d’une humanité qu’il nous faut coconstruire, ensemble, pour le bien de chacun et de tous les vivants. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

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Sources

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Attentes citoyennes

84%

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sont favorables à l’interdiction de l’élevage intensif

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44%

des Français
estiment que le « bien-être » des animaux de ferme n'est pas assuré aujourd'hui en France

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